le passé empiétant
{toile, impression, broderie}
Déf./ Le passé empiétant est une technique de broderie qui permet de couvrir
des surfaces par un point qui va d’arrière en avant.
"Il est certain que la vie n'explique pas l’oeuvre, mais certain aussi qu'elles
communiquent."
Maurice Merleau-Ponty, Le doute de Cézanne
![]()
Comme d’autres, je m’empare de documents photographiques ou d’imprimés,
trouvés, anonymes et ordinaires que je manipule et réinvente. Notre mémoire d’homme à toujours
semble-t-il une disparition à déplorer, à conserver, même inconnue et ces images en sont les
témoins mais ce ne sont pas les photos en tant que traces ou reliques du passé qui m’intéressent,
elles sont déjà en tant que tel un dispositif qui permet la mémorisation. Roland Barthes dans la
Chambre claire écrit « (…) dans la photographie, je ne puis nier que la chose ait été là, il y a
double position conjointe : de réalité et de passé. » C’est alors ce qui m’intéresse ici, la
confrontation entre ce passé évoqué et ce présent à voir car l’histoire n’est pas figée et immobile,
elle évolue, se métamorphose, survit et vit.
Ces images sont les éléments actifs d’un échange car il s’agit de réécrire
l’image. En les brodant, en les manipulant, en les réimprimant et en les transformant
par le fil, je les donne à re-voir. Ces objets sont capables alors de retenir l’attention, de convoquer
la mémoire et de permettre le souvenir. Dans une photographie, tout n’est pas là, tout n’est pas donné de façon
lisible, il y a des béances, des absences qui permettent une perception active, une implication du
sujet.
Avec ces images brodées, je veux créer « un archivage d’invention » permettant à la mémoire de
se déployer, à l’imagination d’intervenir pour compléter les vides afin que le spectateur projette
sur les objets ses propres récits. Sous leurs apparences, il y a nos ressemblances, nos expériences
qui sont convoquées et le passé existe alors au présent. Il ne s’agit pas de réconcilier le présent
avec l’autrefois, mais de faire différer le temps présent en évoquant son propre passé. Ils jouent
alors la carte de la fiction voire de l'enfouissement dans un univers littéraire et collectif plus vaste,
laissant la traçabilité d'un fil rouge qui les relie à l'histoire de chacun. Comme l'écrivait Maurice
Merleau-Ponty : " nous ne quittons jamais notre vie".